Paul Kagamé : "Le Rwanda n’est pas sous juridiction française"

Publié le par Jeune Afrique

Quatorze ans après le pire massacre collectif que l’Afrique ait connu, Paul Kagamé a remis le Rwanda sur les rails du progrès en appliquant une thérapie de choc : discipline de fer, développement à marche forcée et nationalisme ombrageux. Applaudi par les bailleurs de fonds anglo-saxons, il fait néanmoins l’objet d’enquêtes internationales. Dans un entretien exclusif accordé à Jeune Afrique (à paraître dans le n°2466), le chef de l’Etat rwandais s’est livré au jeu de la vérité.

Rompues en novembre 2006 (à la suite de mandats d'arrêt émis par la justice française contre des proches de Paul Kagamé), les relations diplomatiques entre la France et le Rwanda ne sont pas près d’être rétablies.

Le président rwandais estime que « le mal est profond et qu’il faudra du temps pour le résoudre ». Il trouve inacceptable que « la justice d’un pays comme la France, qui porte une responsabilité dans le génocide de 1994, se soit arrogée le droit d’inculper des leaders » de son pays. S’iI note les avancées réalisées par la France depuis quelques mois (« avec Nicolas Sarkozy, le Rwanda a enfin trouvé un interlocuteur ouvert »), il souligne toutefois que « le Rwanda n’est pas sous juridiction française. »

Résolument tourné vers le futur, Paul Kagamé entend néanmoins publier, dans le courant de cette année, le rapport de la commission Mucyo sur l’implication de l’armée française dans le génocide : « C’est notre histoire, et le seul moyen d’avancer est justement de solder ce passé une fois pour toutes », déclare-t-il. Quitte à relancer la polémique autour de l’opération Turquoise, qui « n’a en rien stoppé le massacre des Tutsis », rappelle-t-il.

Le président rwandais précise aussi que c’est le Front Patriotique Rwandais « qui a mis un terme au génocide pendant que toute la communauté internationale demeurait les bras croisés » et considère que les mandats d’arrêt lancés contre une quarantaine d’officiers rwandais s’apparente à de l’acharnement. « Cela relève de l’arrogance et du mépris absolu », dit-il. Mandats d’arrêt espagnol, procédures françaises… Pour Paul Kagamé, « tout cela est politique et n’a rien à voir avec la justice. »

« Nous ne sommes pas des criminels de guerre. Nous nous sommes battus pour la liberté et les droits de notre peuple. » Le chef de l’Etat rwandais réfute toute accusation de crimes attribués à son armée, que ce soit au Rwanda ou en République Démocratique du Congo. Au sujet de la RD Congo, il nie aussi toute implication auprès du général déchu Laurent Nkunda : « Je ne m’occupe ni de Nkunda, ni de son mouvement. Leur sort et leurs revendications sont des affaires congolo-congolaises », déclare-t-il.

Paul Kagamé revient également sur l’afflux de personnalités et investisseurs anglo-saxons au Rwanda : « Peut-être est-ce à cause de la façon avec laquelle nous sommes parvenus à surmonter la tragédie du génocide. Une récompense pour la qualité de notre gouvernance, pour le bas niveau de la corruption, pour la stabilité et la sécurité qui règnent ici », conclut-t-il.

Publié dans L'AFRIQUE

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