La CPI a cinq ans : un succès guetté par les défis

Publié le par l'orient le jour

Cinq ans après son entrée en fonctionnement, la Cour pénale internationale (CPI), premier tribunal permanent chargé de juger les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, est un succès, mais d’énormes défis la guettent, selon les experts.
« Son plus grand succès est que l’institution a réussi à décoller en partant de zéro », estime Richard Dicker, chargé de la justice internationale pour l’ONG Human Rights Watch (HRW). Le 1er juillet 2002, la Cour est devenue une réalité juridique après que plus de 60 pays eurent ratifié le Statut de Rome de 1998, la fondant. En cinq ans, elle a ouvert des enquêtes en République démocratique du Congo (RDC), en Ouganda, au Darfour et en République centrafricaine. Son premier accusé, le Congolais Thomas Lubanga, est détenu à La Haye et attend son procès.
La compétence de la CPI s’étend sur des crimes tels que l’extermination, la mise en esclavage, la torture, le viol, les persécutions raciales, ethniques ou religieuses, la déportation ou l’apartheid. « Il faut tenir compte la réelle difficulté d’enquêter sur ces crimes, commis à grande échelle, alors que souvent les conflits se poursuivent », ajoute M. Dicker. L’expert salue le chemin parcouru, mais pointe aussi « les défis qui se dressent, certains pour les États parties, d’autres pour le procureur et la Cour elle-même ». En théorie, la juridiction de la CPI est universelle, mais elle ne peut poursuivre une personne qu’à condition que celle-ci ait commis des crimes dans un État signataire du Statut de Rome, ou bien qu’elle ait la nationalité d’un de ces États. À ce jour, 104 pays l’ont ratifié.
La CPI peut aussi enquêter sur des situations à la demande du Conseil de sécurité de l’ONU, comme pour le Darfour. Cette enquête, surtout conduite en dehors du Soudan en raison du refus de coopérer des autorités, a révélé un de ses talons d’Achille.
« La question de la coopération avec la Cour, tant pour les inculpations que pour l’assistance lors des enquêtes, est un gros défi », résume Mariana Pena, de la Fédération internationale des droits de l’homme. « La CPI n’a pas de force de police, elle dépend des États où le suspect pourrait se trouver. C’est une dépendance et une vulnérabilité énormes et un obstacle à son efficacité », ajoute M. Dicker.
La Cour doit aussi subir les pressions quand son action interfère avec des négociations de paix, comme dans le nord de l’Ouganda, où les chefs de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), poursuivis par le CPI pour des atrocités commises sur des civils, posent comme condition au dépôt définitif des armes le retrait des mandats d’arrêt internationaux émis contre eux. « Pour chaque situation dans laquelle la CPI exerce sa juridiction, on entend des remises en causes des décisions judiciaires, on critique le moment choisi et on demande à l’accusation (...) d’inculper ou de retirer des inculpations en fonction d’objectifs politiques à court terme », reconnaissait le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, dans un discours cette semaine. Le problème est que la cour « travaille toujours dans un contexte politique » : elle dépend du contexte politique dans les États et au sein de la communauté internationale, résume l’experte en droit international Heikelina Verrijn Stuart.
Selon HRW, l’appel explicite lancé par des États comme la RDC, l’Ouganda ou la République centrafricaine à la Cour pour qu’elle inculpe des criminels sur leur territoire est à double tranchant. « Cela souligne leur besoin d’une telle cour », admet Richard Dickers. « Mais cela risque aussi de mettre en danger l’apparence d’indépendance et d’impartialité du procureur et de la Cour dans ces pays », conclut-il.

Publié dans JUSTICE

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