La maladie du Président Bongo et la géopolitique en Afrique centrale

Publié le par Grioo.com

 
 
Omar Bongo
 

Le Président Bongo est malade, il souffrirait d’un cancer intestinal et il aurait été transporté dans une clinique espagnole (Barcelone Est) dans un état relativement sévère. Le Président Bongo est le doyen des chefs d’Etat africains, il a 74 ans. Sa maladie, et je m’en excuse auprès de sa famille, est une question familiale certes, mais nationale pour le Gabon, africaine pour l’Afrique centrale et l’Union africaine et internationale pour le monde et surtout pour la structure de la Françafrique.

La maladie du Président, j’espère qu’il guérira, soulève néanmoins des questions importantes au niveau de la géopolitique en Afrique centrale. En accédant au pouvoir dans les années 60, Albert Bernard Bongo, devenu aujourd’hui Bongo Ondimba, a connu tous les gouvernements français de De Gaulle à Nicolas Sarkozy. Il est au cœur de ce que nous appelons la Françafrique constituée par des relations à la fois claires, officielles, non officielles, entre la France et la plupart des pays francophones d’Afrique, surtout ceux d’Afrique centrale.

Force est de constater que la maladie du Président précipite les stratégies autour de sa succession alors qu’il n’est pas encore mort
Lucien Pambou


La mort récente de Lucie Edith Bongo, épouse du chef d’Etat, a obligé les autorités gabonaises à déclarer que le chef d’Etat gabonais au nom de la coutume devait se reposer et ne pas intervenir dans la vie politique gabonaise pour respecter le deuil de son épouse. Il y a une part de vérité mais il y a une part de dissimulation politique que la maladie déclarée du Président oblige à penser le contraire.

 
La clinique Quiron, où est hospitalisé le président gabonais Omar Bongo
 

Je souhaite un bon rétablissement au Président Bongo en espérant que les autorités sanitaires espagnoles feront le nécessaire pour que le Président se rétablisse et retrouve ses fonctions de président à la tête du Gabon.

Néanmoins, aller se faire soigner à l’étranger montre bien, après les indépendances, au delà de la dénonciation du colonialisme et du néo colonialisme français, l’incapacité de nos chefs d’Etat, souvent envahis par des considérations ethniques et familiales, donc personnelles, de penser en terme de construction nationale les infrastructures sanitaires de leur pays. Il en est ainsi des autres domaines de l’économie, de la culture et de l’éducation et du logement. Je vais même plus loin, il ne s’agit même pas d’une question tribale ou familiale mais simplement d’un manque de vision politique des chefs d’Etat noirs, car tel est bien le problème, pour le développement économique de leur pays.

Ces chefs d’Etat noirs, toute Afrique confondue, vous parlent de démocratie, d’élections, de libéralisation de l’économie, de planification, de manière très politique et jamais réelle. Les oppositions, quand elles existent, ne sont pas en reste, souhaitent accéder au pouvoir en prenant la place du Président en exercice, ou quand elles ne le peuvent pas, ces oppositions essayent d’apporter leur allégeance en trahissant les populations qui les ont choisies comme représentantes.

 
Pascaline Bongo, potentielle dauphine de son père
© jamd
 

Nous critiquons souvent la Françafrique et nous incriminons trop souvent la France et ses dirigeants. Or, les chefs d’Etat et les partis d’opposition d’Afrique Centrale sont les propres suppôts de la Françafrique en dépit de leurs discours de distance vis-à-vis de celle-ci.

L’analyse sociopolitique et historique montre que les pouvoirs en place en Afrique Centrale et les oppositions sont le recto et le verso d’une même conduite vis-à-vis de la Françafrique. Seuls les peuples ne comprennent pas les turbulences et les changements et positionnements politiques des responsables politiques de l’Afrique Centrale, car analphabètes ou impliqués dans un processus d’ « éthnicisation » les peuples acceptent sans trop comprendre d’être les bras armés des guerres ethniques ou des révolutions de palais entre les descendants des chefs d’Etat africains.

J’espère que ce qu’il se passe au Togo entre les deux enfants de Eyadema ne se passera pas au Gabon. Le Président Bongo a depuis de nombreuses années fait appel à une partie de sa famille pour gérer les affaires du Gabon. Il ne me revient pas de discuter de la pertinence du choix, néanmoins force est de constater que la maladie du Président précipite les stratégies autour de sa succession alors qu’il n’est pas encore mort. L’analyse politique de la vie gabonaise montre qu’il n’y a pas une entente réelle entre les enfants du Président. Nous risquons de nous retrouver dans la situation togolaise. Mais pourquoi doit-on accepter ce type de situation ? Mais pourquoi, au-delà des déclarations des uns et des autres, la situation risque de ne pas changer ?

 
Ali Bongo, potentiel dauphin de son père
 

Les réponses sont liées à plusieurs éléments :

1. La Françafrique a besoin de stabilité. La France, qui est la directrice de cette Françafrique, fera le bon choix pour que le Gabon, pays pétrolier, ne soit pas déstabilisé et que cette déstabilisation ne se transmette pas au Cameroun, au Congo Brazzaville, au Tchad dont le pouvoir est disputé par certains rebelles et en République démocratique du Congo.
2. Le Président Bongo est une valeur sûre de la Françafrique et il possède dans sa tête et dans ses écrits cachés une série de révélations inédites sur la Françafrique. Sa disparition serait un défi à la Françafrique et pourrait ouvrir la porte à l’influence de l’Amérique dont on connait la présence déjà en Angola dans l’exploitation et la gestion du pétrole. Mais, rassurez-vous, la Françafrique veille.
3. La maladie du Président Bongo est une maladie diplomatique même si elle est réelle. Elle doit être considérée d’abord à l’aune diplomatique car il en va de la survie de la Françafrique et de son rayonnement. Quoiqu’en disent les opposants à la Françafrique et leurs discours, ces opposants n’ont ni le courage, ni la volonté, ni les moyens politiques et financiers de s’affranchir de la régence française en Afrique centrale. Il y a le temps des discours et des logorrhées diplomatiques et il y a la réalité financière qui oblige les Etats de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’Ouest à faire allégeance à la France par réalisme politique. La maladie du Président Bongo accélère ce processus.


Le Président Bongo est malade, je souhaite son rétablissement car il a introduit une certaine "stabilité" en Afrique centrale depuis les années 60. Si les oracles, les divinités africaines et Dieu en décident autrement, il y a fort à craindre pour le Gabon (pour lequel on souhaite qu’il n’y ait pas de guerre de succession et de guerre militaire et fratricide tout court, comme souvent le Congo Brazzaville voisin a été le théâtre depuis l’indépendance) rentre dans une zone de turbulence qui risque d’avoir des conséquences sur les autres pays d’Afrique centrale (Tchad, Congo Brazzaville, Cameroun, RDC République démocratique du Congo, Centrafrique).

Comme on peut le voir, maladies et chefs d’Etat en général et en Afrique en particulier et géopolitique sont intimement liés sur un point : la succession politique au haut niveau de l’Etat … la présidence de la République.

Publié dans L'AFRIQUE

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