'L'ACCORD DE SYRTE CONTIENT LES GERMES D'UN NOUVEAU CONFLIT' DECLARENT LES ONG DE DEFENSE DES DROITS DE L'HOMME

Publié le par LE CONFIDENT

Le Gouvernement Centrafricain et un mouvement de rébellion armé, le Front Démocratique du Peuple Centrafricain,  « FDPC » de Martin KOUMTAMADJI alias ABDOULAYE MISKINE ont signé le 2 février 2007, à Syrte en Libye, un Accord de Paix prévoyant la cessation immédiate des hostilités entre les belligérants.
Les Organisations Centrafricaines de Promotion et de Défense des Droits de l'Homme qui ont toujours exigé des pouvoirs publics de privilégier le dialogue à l'option militaire, en réponse à la crise sécuritaire et politique dans laquelle est plongé le pays, se félicitent de cet Accord.
Puisse-t-il permettre de mettre immédiatement un terme aux souffrances des Centrafricains et aux graves violations des Droits de l'Homme et du Droit International Humanitaire commises de part et d'autre par les mouvements de rébellion armés et des éléments de la Garde présidentielle sur les populations civiles dans les zones de conflit.
Toutefois, elles considèrent que cet Accord parcellaire, dénué de toute sincérité, conclu dans la précipitation, sans consultation préalable des institutions nationales et sous pression de la Libye , excluant la CEMAC, contient les germes d'un nouveau conflit.
Manifestement, l'objectif recherché par les signataires de cet Accord est pour certains, la conservation du pouvoir et pour d'autres, le partage des postes et la préservation de leur situation matérielle et de leurs intérêts personnels.
En somme, cet Accord est une prime pour ceux qui prennent les armes pour revendiquer le pouvoir.
Les questions de fond touchant à l'intérêt général, aux conditions de vie et aux préoccupations de la population et qui ont alimenté les conflits militaro-politiques à savoir, la mal-gouvernance, la violation constante de la Constitution, les violations massives et répétées des Droits de l'Homme et l'impunité, la pauvreté, la « tribalisation » du pouvoir sont totalement éludées.
Au lieu de se limiter à l'aspect strictement militaire, notamment à la conclusion d'un cessez-le-feu pour favoriser les pourparlers devant conduire à un dialogue préalable à tout accord, les signataires ont pris des engagements lourds de conséquence en lieu et place du Peuple Centrafricain.
1- Il ne peut y avoir de paix durable sans la justice.
En effet, le préambule de la Constitution du 27 Décembre 2004 reconnaît l'existence des Droits de l'Homme comme base de toute communauté humaine, de la paix et de la justice dans le monde.
Or il est prévu sans nuance, une amnistie générale pour les militaires et les combattants, y compris les auteurs présumés de crimes internationaux.
C'est ainsi que Martin KOUMTAMADJI alias Abdoulaye MISKINE, auteur présumé de crimes de guerre contre lequel l'Etat Centrafricain a lui-même saisi la Cour Pénale Internationale le 22 décembre 2004, est librement rentré à BANGUI sans être inquiété et sans le moindre remord pour ses victimes qui se trouvent de ce fait en situation de danger.
Pourtant, l'article 3 alinéa 2 de cette même Constitution prévoit : « Nul ne sera soumis à la torture, ni au viol, ni à des sévices ou traitements cruels, inhumains, dégradants ou humiliants. Tout individu, tout agent de l'Etat, toute organisation qui se rend coupable de tels actes, sera puni conformément à la loi ».
Il convient par ailleurs de rappeler qu'aucune immunité ni amnistie n'est opposable au Statut de Rome ( article 27 du Statut).
2- Les victimes des conflits depuis Octobre 2002 notamment les personnes massacrées au PK 13, toutes les autres personnes assassinées à travers le pays, les femmes violées, les paysans dont les maisons ont été incendiées et les récoltes détruites particulièrement à NANGA BOGUILA, PAOUA, MARKOUNDA, KAGA BANDORO, SIBUT sont purement et simplement passées par pertes et profits, puisque leur cas n'est même pas envisagé, ne serait-ce que par allusion.
3- L'intégration sans précaution dans les rangs des forces de défense et de sécurité, des troupes des mouvements politico-militaires dont certains éléments sont des mercenaires étrangers, outre le fait qu'elle va augmenter la masse salariale, créera de nouvelles difficultés quant à la cohésion et au caractère national de l'armée, déjà gravement handicapée par l'indiscipline de certains de ses éléments due à sa composition hétéroclite.
4- Aucune mesure concrète n'est prévue pour rassurer et organiser le retour et la
réinstallation des nombreuses personnes déplacées qui, du fait de graves traumatismes subis, continuent de se terrer dans la brousse ou qui fuient les villages à l'écoute de moteurs de véhicules instinctivement associés à la présence des rebelles ou de la Garde présidentielle.
Il en est de même des milliers de réfugiés dans les pays voisins.
5-Enfin, cet accord qui n'est pas un traité international confère en son article 8 à une autorité autre que le Conseil National de Médiation, organe constitutionnel, un pouvoir supérieur puisque le « compromis » qu'il proposera s'imposera à tous.
Il paraît difficile de prévoir simplement, comme indiqué à l'article 10, une adhésion sans discussion audit accord de ceux qui n'ont pas pris part aux pourparlers.
6- Le dialogue reste un impératif de sortie de crise.
En conséquence, les Organisations Centrafricaines de Promotion et de Défense des Droits de l'Homme: se félicitent du cessez-le -feu et demandent aux parties signataires de le mettre immédiatement en application sur toute l'étendue du territoire national; rejettent l'amnistie pour les crimes les plus graves relevant du Droit International Humanitaire; demandent au Gouvernement d'activer la Commission Vérité et Réconciliation; demandent au Gouvernement de créer un fonds d'indemnisation des victimes des conflits depuis 2002; demandent au Gouvernement de prendre des mesures concrètes en s'appuyant sur les élus du peuple pour assurer la sécurité des personnes déplacées ainsi que celle des réfugiés, leur retour et leur réinstallation; demandent au Gouvernement de prendre les dispositions pour l'organisation dans les meilleurs délais d'un dialogue.


Fait à Bangui, le 12 Février 2007

Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture et de la Peine de Mort « ACAT- RCA »

Me Bruno Hyacinthe GBIEGBA

Association des Femmes Juristes de Centrafrique « AFJC »

Me Marie Edith DOUZIMA LAWSON

Ligue Centrafricaine des Droits de l'Homme « LCDH »

Me Nganatouwa GOUNGAYE WANFIYO

Mouvement pour la Défense des Droits de l'Homme et d'Action Humanitaire « MDDH »

Mr Adolphe NGOUYOMBO

Observatoire Centrafricain des Droits de l'Homme « OCDH »

Me Mathias Barthélemy MOROUBA.


Jeudi 15 Février 2007
Droits de l'Homme
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Publié dans ACTUALITES NATIONALES

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