CENTRAFRIQUE - REBELLION : " Ce pays est devenu insupportable " Un enseignant du village Bodoli ( Nord Centrafrique)

Publié le par L'ORIENT-LE JOUR

Terreur dans les villages du nord de la Centrafrique


Des cases désertées, quelques ruines noircies par les flammes : voilà tout ce qu'il reste du village de Bodoli, dans le nord-ouest de la République centrafricaine, après le passage le mois dernier de soldats qui ont tué, brûlé et pillé.

Bodoli est l'un des nombreux villages, théâtre ces dernières semaines d?une série d'attaques menées par les forces gouvernementales ou par des bandes armées qu'elles traquent dans cette région reculée de Centrafrique, proche de la frontière tchadienne.

« Lorsqu'ils viennent, ils pillent nos biens, ils tuent, ils brûlent nos maisons », témoigne un homme, trop effrayé pour donner son nom, devant un groupe de journalistes. Il se dit incapable de préciser combien de villageois ont été tués dans le raid militaire qui illustre la spirale inquiétante dans laquelle la Centrafrique s'enfonce à son tour, avec son cortège de souffrance et d'urgences humanitaires.

« Nous estimons que dans le nord-ouest du pays, quelque 150 000 personnes au total ont besoin d'une assistance », dit Marcus Prior, porte-parole régional du Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM). L'agence onusienne dispose de tonnes de vivres stockées dans la ville de Paoua et prêtes à être livrées aux populations concernées. Mais les forces gouvernementales ont ordonné récemment la suspension de la distribution, invoquant des questions de sécurité.
À Bodoli, Frédéric Etoné Bégoto, un enseignant, dit avoir vu sa tante abattue par des soldats réguliers le mois dernier. « Ce pays est devenu insupportable », ajoute-t-il.

Quelques villageois ont tenté de revenir chez eux. Mais ils ont fui de nouveau après un raid lancé contre un village voisin, il y a quelques jours de cela. Depuis lors, ils se cachent dans la brousse, revenant de temps en temps dans leur village pour récolter les maigres plantations que les pillards ont laissées derrière eux. La plupart sont trop effrayés pour passer la nuit dans leurs cases.

À Paoua, des habitants affirment que des hommes armés ont tendu une embuscade mardi juste à la sortie nord de la ville. Cyriaque Gonda, porte-parole du président François Bozizé, a démenti, mais il a indiqué qu'un soldat tchadien avait été blessé dans une escarmouche.

L'identité précise des bandes armées qui écument la région reste un mystère. Lorsque les violences ont commencé, début 2005, certains spécialistes ont suggéré qu'il pouvait s'agir d'anciens partisans du président Ange-Félix Patassé, renversé deux ans plus tôt par Bozizé. On évoquait aussi la piste de mercenaires tchadiens recrutés par Bozizé et aujourd'hui en rupture de ban. Près de deux ans plus tard, la situation reste confuse et aucune motivation politique ne semble habiter les pillards.

Conflagration

Mais dans cet intervalle, la crise du Darfour, région de l?ouest du Soudan en proie à un conflit armé et à une crise humanitaire depuis 2003, a débordé des frontières pour déstabiliser l'est du Tchad, où des miliciens arabes sèment la panique dans des communautés noires selon le même schéma. Les raids éclairs lancés par des groupes rebelles contre le régime tchadien d'Idriss Déby ont accentué l'insécurité et les risques de conflagration régionale. Les pays de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale) ont promis de renforcer leur petite présence militaire en Centrafrique et la France s'est engagée à fournir une aide logistique à Bangui, ainsi qu'à N'Djamena. Mais la perspective d'un engagement international d'ampleur semble encore très éloignée. Le Soudan continue de s'opposer au déploiement de Casques bleus de l'ONU au Darfour. Et les espoirs de paix des habitants de Bodoli semblent un objectif encore plus hypothétique.

Paul-Marin NGOUPANA (Reuters)

Publié dans ACTUALITES NATIONALES

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article