CONAKRY - Amorce de dialogue en Guinée sous la pression internationale

Publié le par LA CROIX

Autorités et syndicats ont repris jeudi le fil de la négociation en Guinée, où l'état de siège décrété par le président Lansana Conté a donné lieu à des exactions de militaires et à une suspension de nombreuses libertés condamnées avec force par la communauté internationale.

Cette amorce de dialogue intervient après une vague particulièrement meurtrière de contestation du chef de l'Etat, au pouvoir depuis 23 ans: au moins 113 personnes ont été tuées dans des affrontements entre forces de sécurité et manifestants depuis début janvier.

Plusieurs leaders syndicaux ayant mené la contestation contre le président Conté ont participé dans l'après-midi à une rencontre avec de hauts responsables de l'Etat et de l'armée. Cette réunion, initiée par le président de l'Assemblée nationale Aboubacar Somparé, rassemblait notamment des représentants du patronat, des chefs religieux et deux officiers envoyés par le chef d'état-major des armées, le général Kerfalla Camara.

Le général Camara est le véritable détenteur du pouvoir depuis que M. Conté a décrété le 12 février un état de siège extrêmement contraignant, prévoyant notamment un couvre-feu de 18 heures sur 24. "Tout s'est bien passé, chacun s'est exprimé tour à tour et nous nous sommes donné rendez-vous samedi", a déclaré Ousmane Bah, un opposant présent à la réunion au titre de membre du bureau de l'Assemblée nationale.

Selon M. Bah, les représentants des institutions de l'Etat ont demandé aux syndicats la levée du mot d'ordre de grève générale et ont indiqué qu'ils rendraient compte de la réunion "à qui de droit". Dans son intervention, Rabiatou Sérah Diallo, leader de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG), une des centrales syndicales à l'origine de la grève générale lancée le 10 janvier et réactivée le 12 février, a demandé le retrait de l'état de siège, d'après M. Bah.

Plusieurs autres responsables syndicaux étaient présents à la réunion, à l'exception de Ibrahima Fofana, secrétaire général de l'Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG), l'autre intersyndicale au centre de la contestation contre le régime du président Conté. M. Fofana a estimé que "les conditions d'un dialogue sincère ne sont pas réunies. On n'a pas le droit de se réunir (selon les termes de l'état de siège), comment peut-on se concerter dans ces conditions", a-t-il demandé. L'état de siège, destiné à faire taire une contestation croissante depuis janvier, a donné lieu à de nombreuses exactions des forces de l'ordre, qui ont tué neuf personnes depuis lundi soir.

Un apaisement relatif a toutefois marqué la journée de jeudi dans l'ensemble du pays, à l'exception de la localité de Banankoro, au sud-est du pays, où selon des témoins un manifestant a été tué et deux autres blessés par des militaires. Les récents événements en Guinée ont alimenté l'inquiétude de la communauté internationale, dont les réactions se sont multipliées ces dernières heures.

Dans une lettre adressée au président Conté, le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Alpha Oumar Konaré, a condamné "l'usage disproportionné de la force contre les populations civiles", craignant que l'état de siège "ne conduise à une instabilité encore plus grande" Le Parlement européen a demandé jeudi la création d'une commission d'enquête internationale placée sous la responsabilité de l'ONU, pour identifier et traduire en justice les responsables de "massacres" et de violations des droits de l'homme en Guinée.

A Cannes (sud de la France), où a débuté le 24e sommet Afrique-France, seize chefs d'Etat d'Afrique francophone et le président français Jacques Chirac avaient exprimé mercredi soir leur "inquiétude partagée" sur la situation en Guinée.

Publié dans L'AFRIQUE

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