Un petit air de Françafrique

Publié le par JEUNE AFRIQUE L'INTELLIGENT

Un petit air de Françafrique
 - par FRANÇOIS SOUDAN

La tentative de renversement du président centrafricain François Bozizé par les rebelles de l’UFDR a échoué. Grâce à l’intervention des troupes françaises.

L’endroit est charmant et l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing, qui le fréquenta jadis fusil de chasse en bandoulière, doit en conserver un souvenir ému. C’est ici, dans un safari lodge construit par l’empereur Bokassa Ier en plein cœur de la réserve naturelle de l’Ouandja-Vakaga, à quelque 800 km au nord-est de Bangui, que les commandos parachutistes français ont établi leur poste de commandement avancé.

Depuis le 27 novembre, date du déclenchement de la contre-offensive menée en appui des Forces armées centrafricaines (Faca) contre les rebelles de l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), la quasi-totalité des localités occupées a été reprise dans le cadre d’une opération de soutien au régime de Bangui qui fleure bon la Françafrique d’antan. Le petit corps expéditionnaire français (150 hommes) a lui-même donné le top de départ en chassant l’UFDR de Birao, dès le 28 novembre. Le lendemain, une force mixte composée de Tchadiens de la Fomuc et d’unités des Faca remontait vers le nord à partir de Bria, afin de prendre les rebelles en tenaille. Face à un ennemi mobile et armé de mortiers et de bitubes de 14,5 mm montés sur des véhicules tout-terrain, les combats ont manifestement été plus durs que prévu. À cinq ou six reprises, notamment à Mouka, Ouadda et Ndélé, Mirage F1 et éléments des Forces spéciales françaises sont intervenus pour disperser les colonnes de l’UFDR, composées pour l’essentiel d’anciens « libérateurs » tchado-centrafricains qui avaient épaulé le président Bozizé avant d’être démobilisés contre leur gré, puis de se réfugier au Sud-Darfour.

Même si Paris s’efforce de minimiser l’ampleur de son engagement, il va de soi que celui-ci est décisif. Au sein du contingent de la Fomuc, seuls les éléments tchadiens (environ 130 hommes) sont en effet considérés comme opérationnels, ce qui est nettement insuffisant pour épauler des Faca manquant de tout, ou presque. Y compris d’un commandement fiable sur zone. L’officier chargé des opérations dans la région, le colonel Mamour, a très vite été soupçonné d’intelligence avec l’ennemi, l’un de ses fils étant membre de la rébellion. Rappelé à Bangui puis emprisonné, il a depuis été remplacé par le lieutenant-colonel Ngaïfeï.

Combien de victimes cette petite guerre discrète a-­t-elle causées ? Très difficile à dire. Nul ne communique sur les pertes, et le nombre de prisonniers rebelles se compte sur les doigts des deux mains. Même si divers rapports internationaux publiés ces derniers jours critiquent sans ménagement le comportement de la Garde présidentielle centrafricaine dans les zones troublées du Nord, il ne semble pas que les combats dépassent le stade de l’escarmouche, parfois violente. En l’état actuel des informations, les accusations de « massacres de populations civiles occasionnés par les bombardements français » lancées par l’opposition depuis Bangui relèvent - pour être charitable - du principe de précaution.

En bonne logique donc, la tentative de renversement du régime Bozizé par l’UFDR, dont les leaders se voyaient au pouvoir d’ici à la fin de l’année, a échoué. Les deux principaux chefs rebelles, le capitaine Abakar Sabone et le « président » Michel Am Nodroko Kotodji, qui s’étaient rendus à Cotonou pour y trouver des appuis, ont d’ailleurs été arrêtés par les autorités béninoises, suite à une démarche pressante du gouvernement centrafricain. Le procureur de la République de Bangui s’est aussitôt rendu sur place pour demander leur extradition - un détail qui ne manque pas d’intérêt quand on se souvient qu’il y a une vingtaine d’années un certain François Bozizé, alors opposant, fut lui aussi détenu à Cotonou, puis livré pieds et poings liés, sur ordre de Mathieu Kérékou, au chef de l’État centrafricain de l’époque, André Kolingba.

Rassuré au nord-est, le président Bozizé doit cependant prendre garde à son flanc nord-ouest, où opèrent d’autres rebelles se réclamant d’Ange-Félix Patassé. Il y a quelques jours, ces derniers ont tenté un coup de main contre la localité de Dékoa, dans la région de la Kémo, avant d’être dispersés. Ville natale de l’ancien Premier ministre Jean-Paul Ngoupandé, Dékoa n’est qu’à 200 km de Bangui. Apparemment, assurer la sécurité sur le territoire centrafricain relève du travail de Sisyphe…

Publié dans ACTUALITES NATIONALES

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