REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO - ELECTIONS 2006 : MEDIAS ET POLITIQUES ADOPTENT UN CODE DE BONNE CONDUITE

Publié le par INTER PRESS SERVICE


Acteurs politiques et médias s'engagent pour un bon déroulement du second tour

Juakali Kambale

Une vingtaine d'acteurs politiques congolais ont signé, à Kinshasa cette semaine, un engagement qui leur interdit désormais d'exacerber la tension politique par des discours de violence des uns contre les autres et par des propos invitant à la haine à travers les radios et télévisions.

KINSHASA, 10 sep (IPS) -
La Haute autorité des médias (HAM), l'instance officielle de régulation des médias en République démocratique du Congo (RDC), qui est à la base de l'événement, a tenu à associer à cet engagement les animateurs des émissions de débats politiques des grandes chaînes de radio et de télévision opérant à Kinshasa.

Modeste Mutinga, le président de la HAM, se dit persuadé que les discours incendiaires des uns et des autres, à travers médias audiovisuels, ont fortement contribué à la crise actuelle observée au sommet de l'Etat. "Les acteurs politiques, faiseurs de l'opinion politique, ont eu l'opportunité de dire clairement ce qu'ils reprochent à la Haute autorité des médias ainsi qu'au pouvoir en place en matière de gestion des médias congolais", a-t-il indiqué.

"A travers cet acte d'engagement, les médias congolais ne serviront plus de tribune ni pour l'injure facile et gratuite, ni pour les atteintes à la vie privée des tiers, ni encore pour l'incitation à la haine tribale", a-t-il déclaré à la clôture de la cérémonie, mercredi.

Selon des analystes, l'événement est important par ces temps d'incertitude politique quand on considère que des représentants des grands partis politiques étaient représentés dans cet acte d'engagement : le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) proche de Joseph Kabila, le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, et l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d'Etienne Tshisekedi.

Pour Francis Kalombo, représentant du PPRD, la signature de l'acte d'engagement traduit la volonté des uns et des autres de panser toutes les plaies causées par les propos haineux tenus à la télévision. "Les membres du PPRD et ceux du MLC ne doivent pas se considérer comme des ennemis, mais comme des adversaires politiques. Fini ce qu'on a toujours entendu à la télévision, et que le débat d'idées ait désormais droit de cité en vue d'un second tour digne de ce nom".

Les affrontements armés, enclenchés le jour de la publication des résultats provisoires du premier tour de l’élection présidentielle, entre la garde de Kabila et celle de Bemba, ont fait officiellement 23 morts du 20 au 22 août, à Kinshasa, la capitale de la RDC.

Dominique Mokia, un virulent opposant à Kabila a déclaré : "Nous nous engageons à ne plus exacerber la tension, mais tenons le pouvoir à l'œil car ce sont les radios et télévisions proches de Kabila qui provoquent avant de crier au voleur".

Pour sa part, Jean-Baptiste Bomanza de l'UDPS, a indiqué : ‘’J'ai signé au nom de mon parti UDPS pour mettre la Haute autorité des médias à l'épreuve. Elle s'est montrée un peu trop inféodée au pouvoir et ne sanctionne que les médias favorables à l'opposition".

Plus de 60 chaînes de télévision et plus d'une centaine de stations de radio émettent à Kinshasa. Presque toutes ont plus ou moins partie liée avec la campagne électorale. En effet, craignant la main-mise du pouvoir sur les médias audiovisuels publics, beaucoup d'acteurs politiques avaient préféré se rendre propriétaires d'entreprises audiovisuelles pour transmettre leurs messages.

Mais ils en ont souvent abusé en s'en prenant à la personne du chef de l'Etat. C'est qui s'est passé avec les chaînes de radio et de télévision appartenant à Bemba, le jour de la proclamation des résultats provisoires du premier tour du scrutin présidentiel, le 20 août. Résultat : Canal Congo télévision, Canal Kin télévision et Radio liberté Kinshasa, toutes appartenant au leader du MLC, ont été, de manière musclée, interdit de diffusion par les services spécialisés de l'Etat.

Jusqu'aujourd'hui, toutes ces trois chaînes et bon nombre d'autres, dont la Radio télévision Lisanga et Molière TV, sont restées muettes. La HAM a promis de s'investir pour que le signal d’émission leur soit restitué. En attendant, c'est la méfiance totale. Les partis de l'opposition continuent de réclamer la restitution du signal aux radios et télévisions frappées par la mesure du pouvoir.

Ils exigent également l'ouverture -- aux partis politiques de l'opposition -- des médias publics, la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC) plus particulièrement.

Jean Lucien Busa, le représentant du Regroupement des nationalistes congolais, une plate-forme politique qui soutient Bemba, a déclaré à IPS que "seule la concrétisation des engagements pris au cours de cette rencontre pourra rétablir la confiance entre les acteurs politiques". Il dénonce ''l'utilisation de la RTNC au profit d'un seul individu sinon d'un seul candidat'', faisant allusion à Kabila.

La réduction au silence de ces chaînes de radio et de télévision est fortement critiquée à Kinshasa par la population qui dit ne plus rien comprendre à la démocratie que les politiciens promettent dans chacun de leurs meetings.

L'organisation non gouvernementale de défense de la liberté d'expression 'Journaliste en danger' (JED) s'en est plaint, dans une lettre ouverte au représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies en RDC, William Swing.

Donat Mbaya, le président de JED, dénonce de nombreuses violations de la liberté d'expression en RDC. "Nous sommes pratiquement revenus au stade des médias sous la dictature", écrit-il notamment. Mais, la lettre de JED survient au moment où la Haute autorité des médias suspend, pour 30 jours, la publication du journal 'Le Soft International' de l'éditeur Kin-Kiey Mulumba, pour un article jugé diffamatoire sur Bemba.

Fulgence Kabala, de l'Association des laïcs catholiques, basée à Kinshasa, ‘’trouve tout à fait normal que des mesures conservatoires soient prises contre certains médias du fait de leur dangerosité dans une société’’ qui, indique-t-il, ‘’prend tout ce qui passe à la radio et à la télévision pour parole d'évangile’’.

En revanche, Esther Masika, un analyste politique résidant à Kinshasa, estime que le retrait du signal de certains médias audiovisuels, par les services spécialisés, ne peut s'expliquer. "Nous nous acheminons vers l'Etat de droit et vers une société multipartite. La diversité des opinions dans les médias fait partie de la démocratie".

En attendant, les journées s'égrènent vers le 29 octobre, la date prévue pour le second tour de l'élection présidentielle. Quant aux résultats du premier tour, ils demeurent provisoires.

La Cour suprême de justice, qui devait se prononcer le 5 septembre sur la validité du scrutin, a repoussé la date sine die. Selon son porte-parole, Tshibanda Ntuka, la cour doit d'abord se prononcer sur des plaintes de dernière minute au sujet de la constitutionnalité de la fixation, par la Commission électorale indépendante (CEI), du 29 octobre pour le second tour.

En effet, selon la nouvelle constitution, le deuxième tour du scrutin est organisé 15 jours après la publication des résultats du premier. Mais, la CEI estime que ce délai est inapplicable à cause des problèmes financiers et matériels liés à l'organisation de ce second tour.

Publié dans L'AFRIQUE

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