LE DRAME DE LA PAUVRETE EN AFRIQUE

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[ Douala - Cameroun ] ( 27/01/2006) Guy Parfait SONGUE

 

 

J'ai vu la pauvreté détruire
La pauvreté ; la connaissez vous ? Sous quel angle vous tenez vous pour l'apprécier, ou pour la mesurer, ou encore croyez vous posséder tous les éléments nécessaires pour savoir ce qu'elle est réellement au-delà de toute considération rationnelle ? S'agit t-il juste de faire de simples calculs mathématiques, une lecture psychologique d'un individu ou d'un système socio-économique, ou encore une appréciation économicopolitique d'un système, en fonction d'un autre qui sert de référence et qui pourtant lui est différent fondamentalement ? Je vais vous parler de la pauvreté, celle que j'ai vu vivre, que je vois s'étendre et s'épanouir.

 

J'ai vu des hommes pleurer, parce qu'ils ne trouvaient pas à manger pour leurs enfants, j'ai vu des personnes perdre leur dignité parce qu'ils ne supportaient plus de ne pas avoir et de ne pas pouvoir. J'ai vu des femmes se prostituer car c'était le seul moyen pour elles de trouver le minimum, pour paraître socialement normales.

 

J'ai vu des enfants ne pas penser un seul moment au lendemain, car le présent était si triste et lugubre, qu'ils souhaitaient juste en finir avec cette existence. J'ai vu des jeunes ne plus avoir de rêves, car leurs gouvernements les leurs avaient arraché, j'ai vu des jeunes rêver d'être des grands bandits, car c'était désormais la voie la plus « honorable » à leurs yeux. J'ai vu une jeunesse fortement déprimée, dépravée, désorientée, déboussolée et déracinée de sa culture comme de ses bases spirituelles. J'ai vu la pauvreté détruire des talents, briser des génies, étouffer des ambitions, anéantir des vies.

 

J'ai vu des sociétés légitimer et banaliser le viol, comme si les filles et femmes qui les entouraient, les mettaient au monde, les éduquaient, n'étaient que des choses dont on peut disposer à volonté ; j'ai vu des hommes et des femmes institutionnaliser la bêtise, comme s'ils avaient perdu le nord, et comme si leurs enfants n'existaient plus, comme s'ils ne méritaient pas d'hériter d'un monde meilleur. J'ai vu des gamines foncer vers une sexualité précoce car là se trouvait un illusoire plaisir consolateur, qui les amenait à oublier un moment leur dure réalité ; j'ai vu ces enfants réaliser trop tard qu'elles s'étaient trompées et espérer pouvoir remonter le temps.
 J'ai vu des enfants prendre des grossesses dont ils en ignoraient l'origine, des enfants porter des responsabilités qu'ils n'avaient pas pu mesurer au préalable et qu'ils ne pouvaient de toute manière pas évaluer, car à leur âge on devrait être juste des enfants. J'ai vu des bébés grandir dans la poussière et la boue, car c'est tout ce qui leur était offert.

 

J'ai vu des parents tuer leur progéniture, à force de leur inculquer assidûment leur gigantesque ignorance ; j'ai vu des gens préférer que leur enfant meure juste pour qu'ils aient « raison ».
 J'ai vu des hommes et des femmes commettre irréparable au sein de leur foyer, soit en se servant sexuellement chez leurs enfants, soit en les poussant dans un hermétisme psychologique et spirituel aveuglant et destructeur. J'ai vu des parents enseigner la haine et la froideur à leur descendance avec attention et insistance ; tout en leur disant que c'était bien pour leur sécurité et leur épanouissement social.
 J'ai vu des parents pratiquer des cultes ésotériques juste pour faire obstacle à leurs enfants et que leurs réussite ne leur montre leurs propres échecs et limites. J'ai vu des élèves de collèges d'enseignement secondaire, des étudiants d'universités se prostituer pour survivre, et faire ombrage aux prostitués professionnels.

 

J'ai vu des gouvernements détruire d'autres gouvernements, j'ai vu des gens s'enrichir matériellement au mépris de la liberté, de la dignité humaine et de toute logique humanitaire.
 J'ai vu les « riches » appauvrir les « pauvres », j'ai vu des hommes mépriser autrui, j'ai vu des gens croire et agir, comme si leur grandeur dépendait du mépris d'autrui ; j'ai vu des personnes s'appauvrir au fur et à mesure que leur fortune matérielle augmentait ; des personnes qui ont réalisé que toute leur richesse matérielle ne suffisait pas à les rendre riche. J'ai vu des êtres humains trahir leur patrie, j'en ai vu trahir leur continent, d'autres ont trahi leur espèce et la planète toute entière avec. J'ai vu des riches pauvres, et j'ai connu des pauvres riches. J'ai vu des choses que je ne dirai jamais, car l'on ne peut tout dire…

 

Alors est-on pauvre juste parce que l'on vit avec moins d'un ou deux dollars par jours ? Est-il nécessairement besoin de vivre en permanence avec de l'argent et des biens matériels en abondance, pour être heureux ? Le bonheur c'est quoi ?
 Pourriez vous me le définir ? Si être heureux implique avoir une grande villa, posséder plusieurs immeubles, de grandes sociétés, avoir tous les véhicules somptueux dans son parking, et un jet privé, pourquoi ne sont-ils pas heureux ceux qui les possèdent ?

 

Vous savez quoi, de nombreuses personnes sur cette planète ont construit leur vie sans nécessairement faire dans l'extravagance, sans vouloir s'accaparer de tout, sans vouloir tout posséder, jusqu'à même ce dont elles n'avaient absolument pas besoin. Il faut beaucoup de lucidité et de recul pour faire la différence entre le besoin et l'envie, le besoin et le désir.
 Oui, car il est indispensable de faire cette gradation en nous et en permanence l'actualiser : indispensable, nécessaire, utile, accessoire.

 

Tout serait à détruire sur terre s'il n'y avait pas dans chaque génération d'hommes certains (hommes et femmes populaires ou non) qui se battent pour avancer vers leur bonheur, même avec des moyens dérisoires, qui se battent pour faire croire que le bien est bien, que l'Amour existe et vit en nous et autour de nous.
 Tout serait à détruire aujourd'hui et depuis bien longtemps si plus personne ne luttait pour la justice, pour la paix, pour la liberté, la vraie liberté, pour l'indépendance des hommes individuellement pris ou collectivement.
 Il ne vaudrait plus la peine de vivre, si l'espoir n'était pas rationnellement raisonnable, si la foi n'avait pas de place en société, dans nos batailles quotidiennes, muettes ou bruyantes, publiques ou privées.

 

C'est en soi une bataille exceptionnelle, un challenge énorme de demander à l'être humain de transcender des douleurs qui lui sont physiquement et mentalement infligées. C'est un défit formidable et pourtant réalisable de vouloir réussir alors que rationnellement l'on ne possède pas les armes nécessaires pour s'en sortir honorablement.
 Dans cet environnement précaire, ou le talent ne suffit plus, il faut être « fou » pour avancer encore malgré tout, oui, il faut avoir défié la pesanteur que les autres subissent, pour entrer dans cette vision parfaite de votre réussite future. Il faut entrer dans une dimension élevée de votre propre être pour l'exploiter au mieux de ses performances même dans le chaos le plus total.

 

Pour vous qui doutez, devenez donc fou, la bonne folie, celle du soldat qui croit en sa victoire, celle du chevalier qui se donne jusqu'au bout avec conviction jusqu'à son dernier souffle, celle de la lutte pour votre liberté, votre indépendance et votre honneur. Devenez donc fou, en vous mettant à l'esprit que vous êtes venus sur terre pour être heureux, pour aimer, pour échanger, pour partager, pour recevoir, pour donner. Devenez donc fou, pour protéger autant que possible la dignité humaine, l'Amour, la Vie.
 Croyez, quoi qu'il en soit, croyez en un monde meilleur, le vôtre, celui dans lequel il vous suffirait d'un peu d'amour pour rire et vivre, celui dans lequel notre précieuse mère nature serait préservée, celui dans lequel, l'on a raison d'être honnête, loyal, celui dans lequel on combat véritablement la pauvreté dans toute son étendue et sa complexité, celui dans lequel le courage est une vertu, celui dans lequel l'on ne fait pas des héros des zéros. Vous le pouvez, alors faites le, tout simplement ; faites le.  

 Dr Guy Parfait SONGUE
Docteur en Science Politique 

 5 décembre 2005,  
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Publié dans L'AFRIQUE

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