Afrique : Les africains votent pour protester ou pour se soumettre ?
Le vote proprement parlé est remis en question dans la plus part des pays de l’Afrique centrale au lendemain de leur indépendance. Cette inquiétude a toujours existé dans presque tous les pays au sud du Sahara. Depuis lors dans tout le continent, la compétition électorale a toujours été paralysée.
La vague de transitions démocratiques du début des années 1990 avait marqué le retour du multipartisme et du principe des élections libres. Elle a replacé la question du vote au centre de la politique africaine. Pourtant ce retour avait suscité tant d'espoirs mais hélas..
Dans certains pays tels le Bénin, le Mali... il y a eu de nombreuses situations d'enfermement dans lesquelles le vote a été un moyen de contrôle des gouvernants sur les gouvernés sans aucune réciprocité. Les élections ont été un lieu privilégié de la soumission. Au Cameroun, c'est tout à fait le contraire car " le peuple qui a de la chance à être inscrit sur la liste électorale " , ne vote que pour des intérêts divers et non pour l'amélioration de la situation désastreuse dans laquelle sombre le pays depuis bientôt plus d'un quart de siècle.
Pour la petite histoire, à un moment donné de l'histoire de la République Centrafricaine, la police contrôlait les cartes d'électeurs des voyageurs pour vérifier qu'ils avaient participé au scrutin obligatoire organisant la désignation des candidats officiels du parti unique.
Ainsi, les différents pouvoirs en place entendent fonctionner comme les lointains modèles fascistes qui les 'inspirent, sans que personne ne s'offusque d'ailleurs de l'hétérogénéité culturelle de ces importations… C'est ainsi qu’ils ne cessent de s’imposer , avec succès, comme des agences d'inculcation des normes politiques. Les campagnes électorales " à l’africaine " donnent toujours lieu à des cérémonies liées au culte de la personnalité du président. Dans ces conditions, les électeurs embrassent le rituel imposé et n'acquièrent du vote qu'une idée très dépréciée, voire méprisable obstruant ainsi la voie des élections concurrentielles.
S'agissant des élections municipales, régionales ou législatives dans plusieurs pays de l’Afrique sub saharienne, chaque candidat en lice compte sur le suffrage des personnes de sa tribu qu'il a préalablement corrompue. Dans ce cas, vote -t- on tout simplement pour faire plaisir au candidat à cause de son appartenance ethnique, de sa richesse ou de ses idées ?
Autre constat, la tension des campagnes électorales et la contestation du verdict des urnes ont toujours débouché dans l'intimidation. Mais, la réalité demeure car la contestation des élections et la manipulation des résultats ont été essentiellement des stratégies jouées par des groupes au pouvoir menacés dans leur hégémonie par une installation durable de la règle de majorité. Plus grave encore, parmi ces désillusions de la liberté, est le sentiment d'impuissance ou d'incompétence qu'ont éprouvé les électeurs. Ici, le débat électoral et le choix des électeurs ne ressemblent guère au principe de la liberté telle que le préconisait Platon dans la République. La classe dirigeante a toujours conservé ses positions et ses habitudes. Il revient ainsi au peuple de sanctionner cet immobilisme afin d’espérer à un changement si et seulement si les urnes n’ont pas été préalablement bourrées.
Le peuple devra comprendre que le simple fait de voter implique un changement, que ce soit qualitatif ou quantitatif. Pourtant, le vote devra être qualitatif c’est – à - dire revêtir son caractère légitime de sanction afin d'arrêter les barrons du régime en place dans leur visée, qui ont transformé le pays en un véritable dépotoir de l'impunité et de l'injustice sociale fragilisant encore plus le pauvre peuple et l'équilibre de la nation toute entière.