Afrique du sud : 10 ans avec sursis pour un ex-ministre de l'apartheid
Adriaan Vlok, ministre de la Loi et de l'Ordre dans les années 1980, a été condamné vendredi par un tribunal de Pretoria à 10 ans de prison avec sursis pour avoir voulu empoisonner, il y a 18 ans, le révérend Frank Chikane, actuellement proche conseiller du président Thabo Mbeki.
Dès le début de l'audience, à laquelle assistait le révérend, le représentant du procureur, Anton Ackerman, a annoncé que M. Vlok avait passé un accord avec l'Etat, tout comme ses quatre co-accusés, de hauts responsables de la police de l'époque.
Ils ont accepté de plaider coupable et de témoigner contre le dernier membre du groupe, un général, qui n'a jamais reconnu sa participation à la tentative de meurtre.
En échange, leur peine a été limitée à de l'emprisonnement avec sursis: dix ans pour l'ex-ministre de l'Intérieur Adriaan Vlok et son ancien chef de la police, Johann van der Merwe, et cinq ans pour les trois autres.
En 1989, ils avaient fait empoisonner les sous-vêtements du révérend Chikane, alors secrétaire général du Conseil sud-africain des Eglises, une organisation en pointe dans la lutte contre l'apartheid.
"Mon engagement (en faveur du régime ségrégationniste) était une erreur. Je dois accepter ma responsabilité pour cela", a déclaré M. Vlok à l'issue de l'audience, en annonçant qu'il existait à l'époque une liste des militants anti-apartheid à "neutraliser".
"Je n'ai jamais considéré qu'il s'agissait d'une liste de cibles. On cherchait plutôt à les empêcher d'organiser des sanctions contre le pays " et d'alimenter l'agitation politique, a-t-il relativisé.
Johann van der Merwe a ajouté que le révérend Chikane avait été le seul sur la liste à être victime d'une tentative d'assassinat.
L'accord conclu a été critiqué par un groupe de soutien aux victimes de l'apartheid qui souhaitait "un procès transparent". Mais le Congrès National Africain (ANC) -- parti de la lutte contre le régime ségrégationniste, au pouvoir depuis 1994 -- a estimé qu'il aiderait "à soigner les blessures du passé".
L'annonce du procès avait en effet rouvert de nombreuses plaies, relançant notamment le débat sur la responsabilité du président de l'époque, Frederick de Klerk, dans les violences commises sous son mandat.
"J'aurais peut-être dû poser des questions plus incisives", a reconnu en juillet le Prix Nobel de la Paix, tout en niant avoir été informé des exactions commises par les forces de l'ordre.
Vendredi, Adriaan Vlok a estimé que "De Klerk et les autres ministres étaient tout à fait au courant des violations des droits de l'Homme par les soldats". Mais il a mis en garde contre la tentation de poursuivre tous les responsables de l'époque. "Je ne peux pas imaginer que l'on continue à rendre oeil pour oeil et dent pour dent".
L'organisation Afriforum, qui défend les droits des Afrikaners (la minorité blanche au pouvoir sous l'apartheid), a quant à elle demandé que les leaders de l'ANC responsables de violences dans les années 1980 soient également jugés.
Quelque 23.000 personnes ont été tuées en Afrique du Sud dans des violences politiques entre 1960 et 1994, date de l'élection de Nelson Mandela à la présidence.
En septembre 2006, Adriaan Vlok avait demandé pardon au révérend Chikane et lui avait lavé les pieds en signe de pénitence.
Vendredi, les deux hommes se sont salués et le militant noir s'est réjoui que "tout ça soit terminé". "Maintenant, nous pouvons avancer", a-t-il dit.